Les Tramways de la Vienne (T.V.)
LIGNE DE POITIERS A SAINT-MARTIN-L'ARS


par François Fisson


Le Fonctionnement


 
 
La gare de Saint Secondin
        Le lendemain matin cette section était ouverte au trafic des voyageurs (tableaux 1 et 2), puis le 6 janvier 1896 l'ensemble du réseau livré à l'exploitation. Comme prévu un omnibus à traction animale assurait la liaison entre la halte de la Tranchée et la place d'Armes (tableau 3). La ligne avait alors pratiquement son aspect définitif. Pendant 38 ans, jusqu'à sa fermeture, le 30 juin 1934, elle ne fut que peut modifiée.

En effet en 1899, à l'occasion du concours régional, l'omnibus Tranchée-place d'Armes fut remplacé temporairement par un tramway à traction animale, roulant sur les rails des tramways électriques de Poitiers en cours de construction, avant de l'être définitivement, en septembre, par la ligne des tramways urbains qui reliait, par la place d'Armes, les trois Bourdons à la gare.

Cette première ligne, puis une deuxième ouverte en 1903 et qui assurait le service entre la place d'Armes et la Pierre Levée, coupaient respectivement, à la gare et au petit Blossac, la ligne des boulevards. Malgré un protocole d'accord précis, destiné a assurer la sécurité des trafics en ces deux points critiques, il y eut entre les convois des deux compagnies, plusieurs incidents et accrochages sans gravité. De plus, sur la ligne des boulevards, qui avait perdu une grande partie de son intérêt depuis l'existence des tramways électriques, la traction animale fut supprimée en 1908. Le trafic suspendu en octobre 1914, à la suite de la déclaration de la guerre ne fut jamais repris et cette section fut définitivement déclassée le 27 Octobre 1928.


        L'autre partie du réseau subit pour sa part deux petites modifications. Vers 1900, pour desservir la briqueterie qu'il venait de faire construire à St Maurice, en bordure de la route départementale 741, M. Cirotteau avait fait installer un embranchement particulier. Une deuxième bretelle, d'environ 3 km de long quittait la ligne principale, en face de la ferme des Eulées, et desservait, à Smarves à partir de 1932, la carrière de granit de Port Seguin. Les produits de cette exploitation, située au bord du Clain, étaient montés sur le coteau par un funiculaire double, jusqu'à des trémies où ils attendaient d’être chargés dans les wagons des Tramways de la Vienne et acheminés, après d’éventuels transbordements, dans l'ensemble du département pour 1'entretien des routes. Avec un débit de l'ordre de 15.000 tonnes par an cette activité devait fournir du travail à une vingtaine de chômeurs poitevins.


        Au cours de ses 39 années de service le "tacot" eut ses heures sombres.

        Le 16 novembre une tentative de déraillement venait perturber les esprits. Dans la traversée des Roches-Prémarie, sur la terrasse qui précède le remblai, un bloc de pierre de 35 kg déposé sur le rail avait été heurté et brisé par le chasse pierres du train n°1 qui passait aux Roches à. 8 h 58. La veille au soir, le piqueur, M. Simonnet avait enlevé ce même bloc, mais il avait été remis sur le rail pendant la nuit.

        Le 6 décembre 1902 aux "Quat'z'assiettes" à 18 h 40, c'est un coup de feu qui est tiré sur la dernière voiture du train 6.
Plusieurs désespérés en finirent avec la vie en se jetant sous les roues du petit train.

La gare de Saint Martin l'Ars
       Il y eut aussi des accidents plus ou moins graves, consécutifs souvent à l'imprudence de leurs victimes.

       Le 22 août 1897, le tramway qui venait de quitter la halte de la Tranchée heurte route de la Torchaise une charrette à mulet, conduite sans guide par deux vieillards des Petites Soeurs des Pauvres. Le mulet têtu qui était arrêté sur la voie est tué sous le choc, le fourgon et deux wagons déraillent. Heureusement, les deux passagers de la voiture avaient eu le temps de sauter.

       Le 18 septembre 1904, á 14 h 50 entre Gençay et Brion le fils du maire de Gençay, le jeune Martin (17 ans) circulant à bicyclette se tenait de la main droite à la voiture de queue. Sa pédale heurte le marchepied, il tombe et a la jambe droite broyée au dessus de la cheville.

        Enfin, tout une série d'accidents ou de déraillement sans conséquences graves. Le plus spectaculaire d'entre eux est certainement celui qui se produisit le 13 novembre 1906. Un peu avant son entrée en gare de Gençay, au passage a niveau de St Maurice, la machine déraille et se couche sur le côté . Les deux wagons de tête, chargés chacun de 5 tonnes de blé, quittent les rails alors que les 3 voitures de voyageurs et le fourgon de queue restent sur la voie.

        Malgré de tels accidents, au rythme de son époque, le tramway y assurait son service. Bien qu'oublié aujourd'hui, il tenait alors une place importante dans la vie des populations desservies. Son passage était un événement et parfois un but de promenade. Les gares avec leur buvette devinrent des centres de rencontres. On y venait prendre le train, chercher un colis, s'enquérir de l'arrivée d'un chargement ou par simple curiosité. La bascule de la salle d'attente de la gare de Gençay par exemp1e, fut un pôle d'attraction, un lieu de pélerinage pour les noces. Après le repas de mariage les convives prirent l'habitude de venir à la gare pour s'y peser. Mais le chef de station veillait et seuls les mariés et parfois le garçons et demoiselles d'honneur étaient admis à accomplir ce rituel.

         Tout au long de la ligne les buvettes étaient nombreuses et les gens peu pressés. Chacun prenait beaucoup de liberté avec un horaire qui restait très théorique. Prenons en pour exemples les deux anecdotes suivantes.

        Un client assez régulier de la compagnie, Monsieur P., habitait près de la halte de Smarves. Lorsqu'il désirait prendre le train et que le convoi arrivait avant qu'il fut prêt, ce monsieur faisait signe au personnel du tramway d'aller à la buvette boire à sa santé. Il disposait ainsi de tout le temps nécessaire pour terminer calmement ses préparatifs.

        A l'occasion d'un de ses voyages Monsieur de la C... aperçut dans le "tacot" une personne de sa connaissance qu'il n'aimait pas beaucoup et qu'il savait assez pressée d'arriver à destination. Parfaitement maître de son temps, notre homme se fit ce jour là, à la buvette de chaque station, un plaisir d'offrir à boire aux employés de la compagnie. Cette généreuse opération avait pour but d'augmenter d'un bon quart d'heure, à chaque arrêt, le retard du tramway.

        Si la rapidité n'était pas la première qualité du "tacot", l'ambiance y semblait agréable et les voyageurs pour la plupart des habitués, se connaissaient, A une certaine époque l'instituteur de Brion allait souvent à Poitiers le jeudi. Afin d'agrémenter le voyage et de distraire les passagers de sa voiture pendant tout le trajet il jouait du violon.



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